XI-ÈME SOMMET DE LA FRANCOPHONIE

Fara Autor | 29.09.2006

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ABDOU DIOUF, Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie

La Francophonie célèbrera le vingtième anniversaire des rencontres entre chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage

 

M. le Secrétaire général, quels sont les enjeux essentiels de ce XI-ème Sommet de la Francophonie?

C’est un rendez-vous important pour nous. A Bucarest, la Francophonie célèbrera le vingtième anniversaire des rencontres entre chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage puisque le premier Sommet de la Francophonie a eu lieu en février 1986 à Versailles. De plus, ce rendez-vous sera le premier du genre depuis l’adoption de la nouvelle Charte par les ministres de la Francophonie, en novembre 2005 à Antananarivo. Ce texte apporte une plus grande cohérence dans notre dispositif de coopération et va permettre d’améliorer le fonctionnement de l’OIF, de concentrer nos efforts sur les grandes priorités adoptées lors du dixième Sommet de la Francophonie à Ouagadougou. Troisièmement, ce XIème Sommet sera consacré à un thème plus actuel que jamais, celui de l’Education et des technologies de l’information. Ce Sommet sera l’occasion de clarifier nos conceptions et nos perspectives et de  contribuer à la relance de notre coopération intergouvernementale, dans le domaine de l’éducation, dans un monde où 120 millions d’enfants ne sont pas scolarisés et où 771 millions d’adultes sont analphabètes  ou illettrés.

Ce Sommet a lieu pour la première fois en Europe, en dehors de la France, pourriez-vous nous expliquer le choix de la Roumanie et de sa capitale, Bucarest, pour le XI-ème Sommet de la Francophonie?

La Roumanie a été le premier pays de la région, avec la Bulgarie, à adhérer à la Francophonie en 1991. Aujourd’hui, 15 ans après, nul ne peut mettre en cause la vitalité et la richesse de la Francophonie dans ces pays, mais aussi dans toute la région. Nous avons besoin de la Roumanie et comptons énormément sur elle pour nous aider à faire face aux menaces qui pèsent sur le français et la diversité culturelle et linguistique dans cette partie du globe. J’ajoute que votre pays, comme les autres Etats de la région, pourra jouer un rôle très important dans la promotion de la Francophonie, notamment au sein de l’Union européenne qu’elle se prépare à rejoindre.

Le thème de ce Sommet a trait aux technologies de l’information dans l’éducation. Quelles sont les perspectives proposées par la Francophonie dans ce domaine?

L’action menée par la Francophonie ces dernières années, notamment en faveur de la démocratisation de l’accès aux technologies, s’inscrit en cohérence avec sa priorité pour l’éducation: en comblant la fracture numérique, vous contribuez à colmater la brèche éducative. Si nous avons choisi ce thème, c’est parce que nous sommes convaincus que les TIC peuvent constituer un outil important pour élargir l’accès à un enseignement de qualité, favoriser l’alphabétisation et l’éducation primaire universelle. Ils peuvent aider à fonder une société de l’information et une économie du savoir vraiment inclusives et privilégier le développement qui respecte la diversité culturelle et linguistique.

La diversité culturelle est une valeur centrale de la Francophonie. Considérez-vous qu’elle soit vraiment une alternative à une globalisation dominée par le monde anglo-saxonne?

Bien sûr! La Francophonie ne se situe pas dans une logique de combat contre la langue anglaise. Nous pensons simplement que la perspective d’une seule langue, une seule façon de penser, une seule culture constitue un appauvrissement et un danger. Il s’agit pour nous de défendre le plurilinguisme, la diversité des langues et des cultures. C’était tout l’enjeu de la Convention adoptée l’année dernière à l’Unesco. Au début, quand un projet de Convention internationale sur la diversité culturelle a été évoqué, personne ne pariait un euro sur l’issue d’un vote! Aujourd’hui, le texte a été adopté et il entrera bientôt en vigueur.

La langue française constitue le ciment des êtres humains qui composent l’espace francophone. On constate qu’elle est en recul constant dans le monde. Quelles sont les stratégies mises en œuvre pour remédier à ce constat?

Si vous pensez que la langue française est en recul, c’est parce qu’une certaine partie des élites, intellectuelles ou politiques baissent les bras. J’ai beaucoup voyagé cette année et partout, j’ai fait le même constat: l’offre d’apprentissage du français est en constante augmentation. Tous les pays me demandent des professeurs, des infrastructures, des moyens supplémentaires et je ne peux malheureusement pas toujours satisfaire les demandes. Du côté de l’organisation internationale de la Francophonie, nous avons fait du respect et de la promotion de la langue française un axe majeur de nos actions. Nous veillons au respect de l’utilisation de notre langue dans les organisations internationales et aux Jeux olympiques, où, comme vous le savez, le français est langue officielle. Nous assistons les pays du Sud qui siègent à l’OMC, où de nombreuses réunions informelles se tiennent en anglais et dans un langage très technique. L’OIF a également développé une politique linguistique active de renforcement des compétences de travail en français des fonctionnaires et diplomates européens. En Roumanie, nous finançons des cours de français pour 1.300 cadres spécialisés dans les questions européennes. A l’issue de cette formation, la majorité d’entre eux sera capable de mener une négociation en français, de rédiger des textes en français et plus généralement d’utiliser le français comme langue de travail. Et nous menons des actions similaires en République tchèque, en Hongrie, en Slovénie, en Bulgarie, en Lituanie, en Slovaquie et en Croatie. (M.B.)

 

 

TRAIAN BASESCU, Président de la Roumanie

La France - un vrai ami de la Roumanie

 

Quelle est l’importance des relations entre la Roumanie et la France, surtout du point de vue de notre adhésion à l’Union européenne?

La France a été et continue d’être un partenaire constant de la Roumanie, un vrai ami en tout moment important de notre histoire. La France nous a transmis les valeurs de la démocratie et surtout les valeurs républicaines que l’on n’est pas arrivé à vraiment comprendre qu’après la Révolution de décembre 1989. Je voudrais mentionner parmi ces valeurs, le parlementarisme, la liberté d’expression, l’importance accordée au libre essor de la culture, en l’absence de toute censure idéologique. La Roumanie n’a pas hésité à offrir à la France des occasions pour démontrer qu’elle est un partenaire de confiance. La meilleure preuve est le fait que de nombreuses personnalités culturelles ou scientifiques comme Ionesco, Cioran ou Henri Coanda ont été attachées à la France. Je rappellerais encore qu’un simple regard jeté sur les boulevards de Bucarest nous amène à constater que bon nombre de bâtiments ressemblent à ceux de Paris. Dès qu’on entre dans la ville de Bucarest, on voit l’Arc de Triomphe. Nous avons des édifices de culte qui ressemblent à ceux de Paris. Ce n’est pas un hasard que la ville de Bucarest a été nommée le petit Paris, et beaucoup de Roumains en sont fiers. En revenant dans notre temps, je remarquerais aussi le fait que la Roumanie a offert à l’entreprise Renault, par exemple, la possibilité de réaliser l’automobile avec les meilleures ventes de l’année 2005, Dacia Logan. Par conséquent, la Roumanie a une relation de partenariat avec la France, elle reçoit et offre à son tour de la culture, de la démocratie et de l’amitié. Je voudrais faire également mention qu’en dépit du fait que certains ont essayé de mettre en question les relations politiques de la Roumanie, en considérant que celles-ci seraient plutôt pro-américaines que pro-françaises, plutôt pro-atlantistes que pro-européennes, l’amitié avec la France est comme un axiome: elle n’a pas besoin d’être prouvé. Cette amitié a été construite, consolidée, développée et inscrite à jamais sur une voie irréversible. La France nous a aidé dans les dernières années comme aucun autre pays. Elle a été - et elle l’est encore - un avocat sans réserves à l’appui de notre intégration dans l’Union européenne et je suis convaincu qu’après le 1er janvier 2007 nous renforceront notre partenariat dans le cadre de l’Union. Ce partenariat est un élément de persévérance et de solidité de notre politique extérieure. Dernièrement, j’ai eu deux enrichissantes rencontres avec le Président Jacques Chirac à Paris, aussi avec le Président de l’Assemblée Nationale, deux autres rencontres avec le Président du Sénat, et nombre de contacts avec d’autres hommes politiques ou de culture appartenant à la France, soit à Bucarest soit à Paris. La France a été un des pays qui a soutenu le plus l’idée que le XIème Sommet de la Francophonie ait lieu à Bucarest. Ce Sommet sera un signal en plus que la Roumanie reste attachée à la France et aux valeurs de la culture française.

Quel rôle joue la Francophonie dans le contexte international actuel?

La communauté francophone se trouve aujourd’hui en plein processus de transformation. En partant du Sommet de Hanoi, qui a marqué le début d’une nouvelle étape, celle de la définition d’une dimension politique de la Francophonie, et jusqu’à l’adoption de la nouvelle Carte de la Francophonie à Antananarivo en 2005, l’Organisation Internationale de la Francophonie s’est transformée dans un acteur international, impossible à négliger.

Dans le cadre du Sommet de la Francophonie de Bucarest on adoptera une Déclaration finale de la réunion. Le Projet de Déclaration a été rédigé par la Roumanie, en sa qualité d’Etat amphitryon. La Déclaration comprendra deux thèmes importants: le premier est dédié en exclusivité au thème central du Sommet, l’utilisation des technologies de l’information dans le domaine de l’éducation, le deuxième est réservé à la dimension politique de la Francophonie et aux problèmes internationaux qui nécessitent une attention particulière de la part de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Il y a des Etats francophones qui sont encore marqués par la pauvreté et dans lesquels l’accès à l’éducation est difficilement réalisable. En partant de la prémisse qu’une condition de base pour le développement durable est la qualité des systèmes éducationnels, nous tenterons de mettre cette question au centre des discussions de Bucarest lors du Sommet de la Francophonie. La société informationnelle peut offrir une réponse à ce problème et de ce fait, nous discuterons tous les aspects liés aux avantages aussi qu’aux provocations attachées à l’utilisation sur grande échelle des technologies informatiques. Il s’impose une modernisation des systèmes éducationnels, des méthodes pédagogiques et une diversification des moyens au biais desquels l’éducation peut constituer une étape décisive au développement des pays francophones. L’OIF veut mettre en avant l’éducation et, dans ce domaine, la Roumanie, avec sa longue tradition de connaissance de la langue française et avec l’existence de nombreuses filières d’études francophones à tous les niveaux - pré-universitaire, universitaire et post-universitaire, peut avoir un apport important.

En ce qui concerne la dimension politique de la Francophonie, le fait que le premier Sommet organisé en Europe Centrale et Orientale aura lieu à Bucarest est extrêmement significatif car cela marque l’ouverture de l’OIF vers une région qui aura un rôle de plus en plus important pour la Francophonie, et cela dans l’avenir le plus proche. La Déclaration qui sera adoptée lors de ce Sommet témoignera de cette ouverture de la Francophonie qui se réalise selon les désirs de plusieurs Etats de cette région, mais aussi grâce aux Etats fondateurs de la Francophonie. De cette façon, la Roumanie pourra devenir un pont de liaison entre les Etats membres de l’Union Européenne et ceux de l’espace de la Mer Noire qui partagent une identité commune francophone.

Le Sommet de Bucarest se présentera aussi sous le signe de la Convention UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, l’objectif OIF étant le même que celui de l’UNESCO - la protection de la diversité culturelle. La Roumanie est le premier Etat européen et le troisième des Etats membres de l’UNESCO qui a ratifié cette Convention, preuve du fait que celle-ci répond à nos intérêts sur le plan international.

Quelle est l’offre et quelles sont les attentes de la Roumanie de la part de la Francophonie?

Le Sommet de Bucarest devrait donner un nouveau penchant à la solidarité des pays francophones dans l’approche des problèmes politiques au niveau global. C’est un événement qui nécessite une préparation spéciale: il y a bon nombre de discussions à l’intérieur de la Francophonie pour le repositionnement des pays francophones, pour la réformation de la francophonie même. Et pour ce faire, la Roumanie est prête à assumer ce processus. Nous considérons que le succès de la Francophonie à Bucarest sera un succès de la Roumanie. Le Sommet de Bucarest peut représenter le moment idéal pour l’inscription de l’Organisation sur une nouvelle direction, où son profil politique gagnera progressivement de la force et lui permettra de s’affirmer d’une voix plus influente dans le contexte des affaires internationales. Le Sommet sera dédié à la société informationnelle. Nous avons salué le choix de cette problématique car elle peut davantage mettre en valeur la préoccupation de la Roumanie pour le développement durable qui constitue aussi un objectif de l’Union européenne. Nous souhaitons que la Roumanie devienne un pôle d’excellence dans l’enseignement universitaire et dans la recherche scientifique, pour tout l’espace central et est-européen de la Francophonie. La Roumanie est le vecteur le plus important de la promotion de la langue française en Europe Centrale et Orientale. Nos engagements sur la voie de la promotion de la langue française représentent une réalité qui est, comme on peut observer, positivement appréciée dans le cadre du mouvement francophone. La Roumanie présente une offre solide pour la Francophonie. Je ne voudrais plus insister sur notre contribution dans le domaine politique, mais je considère comme nécessaire de souligner la dimension formative de la langue française en Roumanie: 24 universités roumaines sont membres de l’Agence universitaire de la Francophonie, il y a 14.000 professeurs qui enseignent la langue française dans les écoles roumaines, et 88% des élèves étudient la langue française.

Qu’est-ce que vous attendez du Sommet de la Francophonie de cette année et comment appréciez-vous le fait qu’il aura lieu à Bucarest?

Pour nous, c’est le plus grand événement politique organisé en Roumanie à l’époque moderne. Recevoir des délégations provenant de 63 Etats est une chose difficile même pour un pays avec beaucoup plus d’expérience dans l’organisation des événements de ce genre. Nous avons prouvé notre capacité par l’organisation des événements politiques internationaux à une echelle plus petite, mais celui-ci est un événement politique d’une importance énorme. L’organisation du Sommet de la Francophonie de Bucarest est pour nous, en premier lieu, un grand honneur. En second lieu, on m’a demandé souvent si cela représente aussi une reconnaissance. Je dirais que c’est une reconnaissance utile à ceux qui se demandent encore si la Roumanie est francophone. Ce sont les Roumains qui se rendent ainsi connus, pour ceux qui ne les connaissent pas encore. On a reçu jusqu’à présent des confirmations pour la participation de la part d’un grand nombre de chefs d’Etat et de gouvernement: Jacques Chirac, le Président de la République Française, Moritz Leuenberger, le Président de la Confédération Helvétique, Stephen Harper, le Premier-ministre du Canada, Albert II, le Prince souverain du Principat de Monaco. Dans la même mesure, nous sommes honorés de recevoir parmi nous pour cet événement José Manuel Barroso, le Président de la Commission européenne et Olli Rehn, le commissaire européen pour l’elargissement. Ce fait est le signe de l’intérêt particulier que l’Union européenne le montre pour la Francophonie en général et spécialement pour la Roumanie, en sa qualité de pays-hôte du Sommet de la Francophonie. Certainement, ce Sommet marquera une reconfirmation des relations de la Roumanie avec les pays francophones du continent africain, preuve de l’intérêt en croissance de ces pays pour la Roumanie. J’espère que les réunions qui auront lieu dans le cadre de ce Sommet avec certains Etats des plus actifs de la Francophonie - et je pense surtout à la France et au Canada - démontreront également leur utilité dans la concrétisation des nouvelles relations de collaboration économique et politique. (R.P.)

 

 

MAGDA CÂRNECI

Une complicité de plus en plus partagée: les relations franco-roumaines

 

Nous pourrions disserter à n’en plus finir sur les liens, les attractions, les liaisons franco-roumaines tout au long des deux derniers siècles, tel qu’il en serait si nous parlions d’une longue histoire d’amour, parfois excessive, parfois tortueuse, mais toujours étonnante dans sa tenace et étonnante vitalité. Comment expliquer en quelques mots cet étrange phénomène d’"auto-colonisation culturelle" dont parlait Pompiliu Eliade dans son livre fameux1 - de cette volonté explicite de se laisser modelé par la langue et la culture françaises, qu’ont éprouvé les Roumains, surtout au 19ème siècle mais aussi au siècle dernier? Une francophonie élective, doublée d’une francophilie active, infatigable, et pimentée parfois même d’une franco-folie excessive, ironisée par certains de nos grands écrivains au début du 20ème siècle - cela doit avoir une raison historique profonde.

C’est que le modèle français de civilisation fut largement privilégié à l’aube de la Roumanie moderne. Une coïncidence heureuse entre le point d’orgue de la fleurissante culture française dominant l’Europe à la fin du 18ème siècle et le point de naissance de la culture roumaine moderne au début du 19ème siècle généra l’attraction et la synergie nécessaires pour le jaillissement d’une osmose interculturelle peu banale, d’une "amitié non assombrie et d’une entente non interrompue", comme la nommait Nicolae Titulescu, le grand diplomate roumain, de sa tribune de la Ligue des Nations dans les années 1920-1930.

Les témoignages des voyageurs français au long des 16ème-18ème siècles, le rôle des précepteurs privés et des secrétaires particuliers français venus disséminer les idées des Lumières au début du 19ème siècle dans les principautés roumaines, l’émulation de la mode francophone venue par les filières russes et phanariotes, mais surtout la for mation des élites roumaines à Paris tout au long de ce fameux 19ème siècle (mais aussi du 20ème) ont marqué de manière indélébile les cadres de la culture roumaine moderne, ses structures de pensée, sa langue, ses manières et ses goûts esthétiques2.

C’est par l’intermédiaire du modèle français que les Roumains se raccordèrent aux principes et aux valeurs occidentales, dans leur vif désir, dans leur claire intention de s’"européaniser" rapidement afin d’entrer dans leur "âge adulte" moderne. Il y a eu d’ailleurs aussi des circonstances, des personnes et des événements précis qui y ont contribué, ne serait-ce, rappelons-le ici brièvement, que, par exemple, à partir de 1820-1830, et en l’espace de deux générations, l’élite roumaine s’est presque entièrement francisée, ou que les intellectuels roumains révolutionnaires ou progressistes, les soit nommés "pasoptistes", ont eu des rapports étroits avec des intellectuels français célèbres tels Edgar Quinet ou Jules Michelet, ou que la France a notamment joué un rôle important, grâce à Napoléon III, dans la conquête de l’autonomie des principautés en 1859 et dans l’obtention de l’indépendance du jeune Etat roumain en 18783 - pour ne pas mentionner toutes les alliances politiques, diplomatiques, militaires qui ont soudé constamment le lien franco-roumain tout au long du 20ème siècle et jusqu’à présent.

Cet engouement librement consenti pour une culture étrangère, cette fascination pour "la grande soeur latine de l’Occident", que les Français découvrent toujours avec étonnement, s’expliquent chez les Roumains également par les racines latines des deux langues concernées et, probablement, aussi par un rapprochement tem péramental, par des dispositions psychiques similaires, tant l’adaptation au modèle français fut rapide et facile, tellement cet accord sembla "allant de soi", évident. Malgré qu’au 19ème siècle il y eu également l’influence du modèle allemand, qui dure d’ailleurs jusqu’à présent, surtout en Transylvanie, c’est néanmoins le modèle français qui l’a toujours emporté dans toutes choses à tel point que les structures juridiques, administratives, sociales de l’Etat roumain moderne sont calées de prés selon leur moule français. Dans sa course à la relatinisation et à la modernisation, la langue roumaine a choisi de se laisser féconder surtout par les néologismes français, à tel point que vingt pour cent sinon plus de son vocabulaire actuel est d’origine française. La culture roumaine des derniers 150 ans s’est toujours comparée à la culture française, elle a toujours regardé plutôt vers Paris que vers d’autres capitales (même à présent), dans une telle mesure que l’écrivain Alexandru Paleologu, ambassadeur de la Roumanie post-communiste à Paris, pouvait dire, non sans raison: "Si la Roumanie perd son français, mon pays restera sans mémoire".

D’autre part, et grâce à la même attraction vers leur foyer central d’occidentalisation, il ne faudrait pas oublier le flux en sens inverse, qui a mené de nombreux Roumains à s’installer en territoire français et à fertiliser la culture française par leurs apports dans des domaines innombrables. A côté des quelques noms fameux qu’on prononce tout le temps - Brancusi, Tzara, Cioran, Ionesco etc. - il y a eu, et il y en a toujours, de nombreux spécialistes de tout genre qui ont illustré, par leur double appartenance culturelle, la catégorie des intellectuels cosmopolites d’antan et la nouvelle classe des cadres bi-culturels du présent4.

Cette mémoire culturelle "formatée" à la façon française, les Roumains l’ont gardée jusque pendant le régime communiste, lorsque parler français ou lire des livres en français représentait une forme de résistance intellectuelle, de courage et de non-conformisme, contre le primitivisme totalitaire environnant et envahissant. Tout membre de la classe intellectuelle ou de la couche cultivée de la Roumanie communiste était tenu de lire, sinon de parler français, pour démontrer son "statut social"5. Acquise comme un "gène culturel" de l’identité roumaine d’avant-guerre, la culture française s’est transmise discrètement, tenacement, dans les familles, dans les cercles d’intellectuels et d’artistes, mais aussi dans la masse urbaine, par les habitudes langagières, par les mœurs, par l’exemple de l’élite culturelle. Il faut également reconnaître qu’à partir de la fin des années 1960, un renouement limité avec la culture française a été de nouveau toléré, surtout que le fort penchant vers la gauche de l’intelligentsia française convenait aux idéologues communistes et facilitait l’affaire.

Cela explique le petit miracle qu’après 45 ans d’isolation totalitaire les Roumains sont aussi nombreux à parler le français, comme l’ont découvert les journalistes étrangers lors et après la Révolution du décembre 1989. Sortis d’une grande prison qui les avait déformés et infantilisés profondément, les Roumains s’attendaient à ce que "leur sœur aînée" soit la première à les "comprendre" et à les "aider" à rejoindre l’Europe tant rêvée, tant idéalisée auparavant - et cela s’est avéré rapidement sur le plan politique6. Cependant, il a fallu accueillir économiquement d’abord les Allemands, les Italiens, les Hollandais, les Japonais et surtout les Américains, il a fallu attendre presque une décennie pour que la France, à l’aube des années 2000, reprenne une position privilégiée dans la société roumaine actuelle7. Depuis quelques années on assiste à une explosion de contacts, de projets en commun, de relations de collaboration franco-roumaine dans tous les domaines8. Les échanges se multiplient dans une progression géométrique, parallèlement à un changement évident d’optique chez les Français concernant leurs "petits frères" plus lointains. Il s’agit de la société civile, des ONG qui ont réagi les premières, surtout au début des années 1990, suivies depuis progressivement par les institutions étatiques françaises, donnant un nouvel essor à cette étrange filiation culturelle, profonde et ancienne, qui lie la Roumanie et la France9.

Confrontés au syndrome du "mal aimé" mais aussi à cette "traditionnelle faiblesse" pour leur pays, les Français n’en finissent pas de découvrir, et à présent d’investir, un territoire qu’ils n’avaient jamais conquis par le passé, sauf par une indirecte influence "civilisationnelle". La France, en effet, fut le premier pays au monde à avoir utilisé l’influence culturelle comme instrument de sa politique internationale. Et cela paie à présent, quand la francophonie relance la bataille pour la diversité culturelle au sein d’un monde de plus en plus globalisé et anglophone.

Toujours francophiles, parfois "francofous", les Roumains restent des francophones de bon cœur. Selon les statistiques, un Roumain sur quatre parle le français, ce qui fait de la Roumanie, pays de Ionesco et de Cioran, le troisième pays en Europe à parler la langue de Voltaire10, après la France et la Belgique. "Île de latinité dans une mer slave", la Roumanie se découvre aussi une "île de francophonie" dans l’Orient de l’Europe11. Il est émouvant de voir combien les Roumains, en bon élèves, se laissent de nouveau coloniser culturellement mais aussi économiquement par la France, en vertu de leur amour ancien pour "la sœur aînée" ; ce qui ne les empêchent pas, cette fois, de sortir du minorât auto-consenti d’avant et de réaliser quelle mise peut représenter leur pays pour l’avenir de l’influence internationale de la France.

Cependant, pour que la francophonie actuelle ne se réduise pas à une mode culturelle passagère ou à une ingénierie institutionnelle et politique certes de grandes proportions12 mais légèrement artificielle, encore faut-il que cette nouvelle francophonie soit nourrie par une politique intelligente, mature et réciproquement avantageuse, et qu’elle donne le sentiment d’une communauté d’intérêt et de destin dans le sein de l’Europe et du monde, afin qu’elle reste une affaire de cœur et une appartenance librement assumée par les Roumains.

Le temps est venu pour une relation d’égalité entre les deux "sœurs latines". Alors que beaucoup de partenariats entre les deux pays ont encore tendance à se faire sur un modèle paternaliste, les attentes de la société roumaine sont aujourd’hui toutes autres qu’au 19ème ou au 20ème siècles, et cette dernière refuse de s’installer dans une relation de simple imitation ou de dépendance. La société roumaine est bien au contraire à la recherche d’une réelle coopération avec la société française, elle est maintenant préparée pour partager sur un pied d’égalité une vision régionale et globale mature des défis du présent.

 

1. Pompiliu Eliade, De l’influence française sur l’esprit publique en Roumanie: Le Origines (Paris, Ernest Leroux éditeur, 1898).

2. Maria Voda Capusan, Marina Muresanu Ionescu, Liviu Malita coord., Dictionnaire des relations franco-roumaines. Culture et francophonie, Cluj-Napoca, Editura Fundatiei pentru Studii Europene, 2003.

3. Lucian Boia, La Roumanie - un pays à la frontière de l’Europe, Paris, Les Belles Lettres, 2003.

4. Voir la collection Les Roumains de Paris dirigée par Basarab Nicolescu aux éditions Oxus à Paris, et plus spécifiquement le livre Roumanie, capitale… Paris de Jean-Yves Conrad, paru en 2003 dans cette collection.

5. S’ils maîtrisaient d’autres langues étrangères à côté, tant mieux, mais le français était de mise, cela au moins jusqu’aux années ‘80, quand une première génération plutôt anglophile apparut.

6. François Mitterrand a été le premier chef d’État à visiter la Roumanie après la chute du communisme. Jacques Chirac fut, à son tour, le premier chef d’État à être reçu officiellement à Bucarest après l’élection en 1996 de la coalition démocrate et du président Emil Constantinescu. Les contacts entre le président roumain actuel Traian Basescu et le président Jacques Chirac sont fréquents. Comme on le sait, la Roumanie compte sur la France pour soutenir efficacement ses efforts d’intégration euro-atlantique.

7. Depuis 1997, la France est le premier investisseur étranger et le troisième partenaire commercial de la Roumanie.

8. Les administrations des deux pays se sont rapprochées de nouveau, il y a des programmes européens (Phare, Sapard, etc.) qui se déroulent en Roumanie surtout avec des partenaires français, les forums professionnels franco-roumains de toutes sortes se multiplient d’un jour à l’autre, ainsi que les échanges et les festivals culturels (Fête de la musique, Printemps des poètes, Fête de la francophonie, Lire en fête, etc.).

9. Il y a des centaines d’associations franco-roumaines, les jumelages entre villages, villes, guildes professionnelles sont de plus en plus nombreux et actifs.

10. L’enseignement du français garde encore la première place dans l’étude des langues étrangères en Roumanie. Les 2.250.000 étudiant le français, soit 51%, sont plus nombreux que les 1.500.000 étudiant l’anglais, soit 34%. Néanmoins, les jeunes Roumains "s’américanisent" de plus en plus, surtout dans les grandes villes, comme d’ailleurs leurs congénères français.

11. La coopération culturelle s’appuie sur un réseau de 4 instituts et centres culturels (situés à Bucarest, Cluj-Napoca, Iasi et Timisoara) et sur 5 alliances françaises (à Brasov, Constanta, Craiova, Ploiesti et Pitesti), auxquels viennent s’ajouter les 55 sections bilingues ouvertes dans le secondaire et les 10 filières francophones de l’enseignement supérieur.

12. L’existence d’une francophonie active est une voie d’accès privilégiée au marché roumain.

 

 

LAURENTIU VLAD

Quand la Roumanie était surnommé "La Belgique de l’Orient"

Des fragments de l’histoire d’un stéréotype

 

Préambule

 

"La Roumanie, la plus orientale des soeurs de la grande famille latine, a répondu, avec empressement et pour plus d’une raison, à l’invitation de la Belgique en prenant part à cette splendide exposition universelle. Car malgré la distance qui les sépare, nos deux peuples se ressemblent non seulement par la constitution presque identique de leurs Etats actuels, mais tout autant par leur passé.

Des ténèbres de la préhistoire, ils sont sortis, tous deux, grâce à la même colonisation romaine dont ils ont subi également le grand rayonnement. Dans la suite de l’histoire nous nous retrouvons à servir les mêmes grandes causes: tandis que votre Godefroy de Bouillon guerroyait au nom de la foi chrétienne en Terre Sainte, notre Voévode Etienne le Grand défendait la croix avec une telle bravoure qu’il fut surnommé par le Pape l’Athlète du Christ.

(...) Mais c’est surtout dans les temps modernes que votre bel exemple a servi à la constitution de la Roumanie actuelle. Trente ans après la courageuse proclamation de l’Indépendance Belge, lorsque les deux principautés danubiennes, la Valachie et la Moldavie, voulurent à leur tour s’affranchir suivant votre exemple, c’est au Comte Philippe de Flandre que nos hommes politiques se sont adressés pour en faire le premier chef de la Roumanie Indépendante. Ce n’est qu’après son refus que, sur les indications de Napoléon III, le Prince Charles de Hohenzollern-Sigamaringen fut élu Prince et puis Roi de la nouvelle Roumanie. Mais cette fois aussi le sort voulu rapprocher nos deux dynasties; par la soeur de notre grand Roi Charles le Ier, la Comtesse Marie de Flandre, Grand’Mère de votre Auguste Souverain, il a resserré les liens entre les familles régnantes de nos deux peuples. A cette alliance s’ajoute l’enthousiasme du peuple roumain épris des progrès éblouissants de la Belgique que nous nous sommes efforcés d’imiter.

Nous avons adopté votre Constitution et la plupart des lois, inspirées du Code Napoléon. C’est aux écoles de France et de Belgique que se formèrent nos premiers spécialistes et c’est à ces deux pays que nous empruntames les éléments de notre civilisation qui, de même que notre langue, appartient au monde latin. La Roumanie renaissante, à votre exemple, était fière d’être appelée la Belgique de l’Orient".

Ainsi commençait son discours Alexandru Tzigara, le commissaire général de la Roumanie à l’exposition universelle de Bruxelles, à l’occasion de l’inauguration officielle du pavillon royal (23 mai 1935). Inspiré, l’officiel de Bucarest marquait les moments d’une histoire Roumaine-Belge, d’une communauté d’origine et d’idéaux des deux peuples, et le rôle de repère culturel et politique attribué à la Belgique qui, à côté de la France, avait influencé décisivement le développement de la Roumanie dans la deuxième moitie du XIXème siècle. Le ministre de l’économie belge, Ph. Van Isacker, et le Maire de la ville de Bruxelles, Adolphe Max, lui répondaient dans un subtil exercice d’amabilités. Le premier remarquait la forte expression latine de l’espace artistique roumain, en insistant aussi sur l’héritage séculaire, morale et intellectuel de la Roumanie aux "portes de l’Orient" ou du monde slave.

A son tour, Adolphe Max saluait une Roumanie pleine de beautés et de richesses naturelles, d’élan culturel et économique contemporain, de fidélité envers la tradition de la part de ses habitants mais surtout pleine du prestige donné par la mémoire de l’ancienne Rome des Césars et des poètes.

Il soulignait aussi l’existence d’une "solidarité intellectuelle et matérielle" entre les Belges et les Roumains (en précisant: "un de vos Souverains se plaisait à dire de son Royaume qu’il était la Belgique de l’Orient").

 

Conotations politiques

 

La formule "la Belgique de l’Orient" était usuelle dans les années ’50 du XIXème siècle, quand les partisans Roumains et occidentaux de l’union de la Moldavie et de la Valachie, soutenaient l’idée de l’édification d’un Etat constitutionnel selon le modèle belge, régné par un prince d’une dynastie européenne, avec un statut de neutralité dans les relations internationales et situé sous la garantie collective des grandes puissances. Cette idée a déclanchée toute une série de démarches diplomatiques constants dans les grandes villes d’Europe, à Bruxelles, à Londres ou à Paris. Une telle "Belgique de l’Orient" avait imaginé Dumitru Bratianu, dans sa lettre du 1855 adressée au lord Ellenborough, ou Saint-Marc Girardin, et qui avait été publiée dans un article du Journal des débats, en 1957, prélevée et commentée dans Le Constitutionnel, L’Indépendance Belge, Messager du Midi etc. On rencontre une "Belgique du Danube" aussi dans les mémoires du diplomate français Eugène Poujade, et une "Belgique orientale" dans le volume de 1855 de Elias Regnault, Histoire politique et sociale des Principautés danubiennes.

Mais la ratification du stéréotype politique est arrivée au moment de l’adoption de la Constitution Roumaine de 1866, qui est entrée dans la conscience publique comme une "imitation fidèle" de la loi fondamentale belge de 1831. L’image ainsi esquissée, car il s’agit seulement d’une image, et la Constitution de 1866 avait beaucoup plus de sources d’inspiration - fait démontré par Ioan C. Filitti en 1934, a traversée l’opinion publique roumaine et belge au début de la première guerre mondiale. Voilà, par exemple, ce que le Comte Gaston de Looz Cornswarem écrivait en 1911: "C’est un honneur pour la Belgique que la Constitution roumaine reproduise pour ainsi dire mot à mot la Constitution belge".

A côté de l’influence belge en ce qui concerne la constitution on doit aussi mentionner les autres influences d’autres domaines du droit. Dans une étude intitulée Influence belge dans le droit roumain (1935), Andrei Radulescu soulignait ce fait en le prouvant à l’aide de toute une bibliographie, connue en Roumanie, à la fin du XIXème siècle et au début su XXème siècle et de laquelle se détachaient les volumes de Martou ou Lemaire-Borsseret, les traités de certains professeurs comme Cornil (Droit Romain), Galopin (Droit International), Thiry (Droit Civil) ou les revues de profil de Belgique comme Beltjens, Belgique Judiciaire, Pandectes Belges qui se trouvaient dans cette période dans les bibliotheques universitaires roumaines. On peut aussi mentionner ici des spécialistes roumains dans le domaine du droit comme Dimitrie Alexandrescu de l’Université de Iasi, renommé dans les cercles scientifiques de profil de Bruxelles. Dans ce contexte on veut signaler aussi le fait qu’une partie des hommes politiques roumains faisait partie de cette tradition intellectuelle, en étant licenciés ou des spécialistes des facultés de droit et sciences politiques de Bruxelles ou Liège, comme, notamment les libéraux Vasile  Conta et Stefan Sendrea ou les conservateurs Tase Athanasiu et Dimitrie Nenitescu.

 

Dimensions économiques

 

Toujours à la moitie du XIXème siècle le stéréotype politique était doublé par le stéréotype économique. Le voyageur français Virgile Doze appréciait, dans une brochure de 1857, que la Moldavie pourrait avoir la fertilité des "jardins de l’Europe, de la Flandre belge ou française", si aux bienfaits naturels on ajouterait quelques voies de communication convenables. Dix ans plus tard, le publiciste Victor Cosse identifiait d’autres défauts dans un ample article publié dans L’Exposition Universelle de 1867 Illustrée, mais il disait aussi que la Roumanie pourrait devenir un important centre de production en Europe, tout comme la Belgique ou la Suisse, si elle renonçait aux obsessions rétrospectives et commençait à vivre dans le présent. Des opinions très semblables on peut trouver, un peu plus tard, dans les narrations de voyage de Léon Hugonnet, Six mois en Roumanie (1875) ou Emile de Laveleye, Souvenirs de voyages (1886). Au début du XX-ème siècle, ces institutions semblaient de se former. Par exemple, quand Gustave Drèze écrivait le chapitre sur la Roumanie dans Le livre d’or de l’exposition universelle et internationale de 1905, il présentait avec enthousiasme l’élan économique de notre pays, c’est pour cette raison qu’il l’appelait "la Belgique de l’Orient".

Les rapports commerciaux entre la Roumanie et la Belgique ont également contribué à créer une telle image. D’après les statistiques existantes à l’époque, avant 1886 ces relations étaient très faibles, mais plus tard, la Belgique est devenue le deuxième importateur des produits roumains (après l’Angleterre). Cette situation est restée la même pendant 10 ans.

A partir de 1896 jusqu’en 1910 la Belgique ouvrait ce classement mais dans l’intervalle 1911-1915 elle a été dépassée par l’Autriche et, plus tard, entre 1919-1924, par l’Hongrie. Malheureusement, après 1924 ces échanges n’ont pas gardé la même envergure.

 

Nuances culturelles

 

Le cliché dont on parle a reçu aussi une dimension culturelle et on a comme preuve de tout ça la présence de certains intellectuels roumains dans les champs littéraires et éditoriales de la capitale belge. George Bengescu, ministre de la Roumanie en Belgique à la fin du XIXème siècle, publiait en 1895, à Bruxelles sa fameuse Bibliographie franco-roumaine du XIXe siècle et en 1905 Pompiliu Eliade collaborait avec la prestigieuse Revue de Belgique.

Cette dimension du stéréotype s’est amplifiée au début du XXème siècle à l’aide de la propagande culturelle initiée par la Légation roumaine de la capitale belge. En effet l’action était une initiative de Trandafir Djuvara, le ministre de la Roumanie à Bruxelles entre 1909-1920. Trandafir Djuvara avouait dans ses mémoires d’avoir organisé plusieurs fois dans la capitale belge ou à Louvain, une série de concerts de musique de chambre auxquelles ont participé de musiciens importants comme Barozzi, Golescu ou Enescu, des expositions de peinture des artistes comme Grigorescu, Loghi, Luchian ou Mirea, des conférences universitaires, présidés par Alexandru D. Xenopol. A partir de 1927 après la création de la Direction Générale de la Presse et de la Propagande, des actions similaires se sont déroulées systématiquement. Ainsi, les concerts de Stan Golenstan, les conférences de J. Mertens, avocat à Bruxelles, ou les conférences du journaliste de Le soir, Georges Detaille dédiées à la Roumanie, ont été financées. En 1933 ou 1934, 800 volumes et plus de 1.200 de photographies ont été envoyées en Belgique et en Hollande pour être utilisées comme matériaux documentaires pour une série d’articles sur la Roumanie publiée à Bruxelles dans la presse de l’époque (Feuillets du Tourisme, La Libre Belgique, Le Soir etc.).

 

Une histoire de plus de 80 ans

 

Tous les détails qu’on a présenté nous ont aidé à raconter le cliché en discussion. On peut bien sûr ajouter d’autres détails; par exemple le fait que les fortifications de Bucarest de la deuxième moitie du XIXème siècle étaient construites d’après les plans du général belge Brialmont. Aussi, à partir de 1863 jusqu’en 1884, plus de 80 jeunes roumains devenaient des spécialistes en droit, sciences politiques, philosophie, médecine, mathématique, physique de l’Université de Bruxelles. On peut aussi mentionner le fait que dans la typographie de Dambovita était publiée une revue intitulée La Belgique de l’Orient. On ne doit pas oublier que les gouvernements de Bucarest à cause des affinités politiques, économiques et culturelles qui existaient entre les deux pays, ont décidé d’inclure la Roumanie sur la liste des participants à cinq expositions universelles et internationales belges à partir de 1894 jusqu’en 1935. De cette manière s’est développé un imaginaire commun des deux pays, où la Belgique était un modèle de "civilisation, modération et travail" pour une Roumanie qui essayait de reproduire ces traits. Ainsi achevait le Prince héritier Mihai, le discours présenté à l’occasion de la visite du pavillon de la Roumanie à l’exposition universelle de 1935, en soulignant lui-même la vénérable existence du stéréotype "La Belgique de l’Orient".

 

 

ELENA STEFOI

Le Sommet de la Francophonie - une perspective diplomatique roumaine-canadienne

 

La Roumanie, en tant que le premier pays de l’Europe centrale et orientale, à accueillir le Sommet des chefs d’État et de gouvernement ayant le français en partage, est, le 2006, le foyer de l’esprit francophone dans une Europe élargie qui participe aujourd’hui au renouveau de la Francophonie, en apportant avec elle son dynamisme, son désir de changement et la pluralité de ses cultures. Il s’agit d’un grand defi, mais pour mettre à jour ce projet diplomatique, politique et culturel, notre pays a bénéficié d’un généreux appui de la part des certaines pays membres de l’OIF. Il m’est particulièrement agréable mentionner le Canada comme le plus important des nos partenaires sur la route d’aventure francophone. Canada est un pays bilingue, patrie d’adoption pour beaucoup de Roumains, représentants d’une culture avec des racines ancestrales à l’espace francophone. Au Canada, la Francophonie est un cadre privilégié de promotion et d’apprentissage de la diversité culturelle et linguistique, dans lequel se construit une relation spéciale avec les langues et les cultures des autres.

 C’est avec beaucoup de plaisir que je voudrais souligner la coopération étroite, constante, généreuse et professionnelle qu’on a eu avec nos amis canadiens, tout au long de cette année, au bénéfice de la Francophonie et du Sommet de Bucarest. Hôte de deux Sommets de la Francophonie, le deuxième contributeur financier mondial à l’Organisation Internationale de la Francophonie, ou ils on trois voix (Canada, Canada-Québec et Canada-Nouveau Brunswick), le pays de la feuille d’érable nous a octroyé une inestimable assistance concernant l’agenda de la Réunion et le contenu des débats, et il continue à le faire avec assiduité. Encore une fois, j’aimerais exprimer toute notre gratitude pour l’appui lo gistique et le savoir-faire que le gouvernement fédéral, ainsi que les gouvernements provinciaux du Québec et Nouveau Brunswick ont généreusement offert à Roumanie.

C’est évident qu’a partir du sujet de la Francophonie, tout autre dialogue bilatéral diplomatique, politique, parlementaire, économique, académique et culturel a été ravivé, ce qui fait que l’année 2006 s’annonce déjà comme une année record en matière de collaboration entre la Roumanie et le Canada. Plusieurs délégations canadiennes, aussi que du Québec et Nouveau Brunswick, ont visité la Roumanie, en vue d’établir ou de consolider diverses projets et initiatives bilatérales. A son tour, la Roumanie a eu, pendant cette année, une présence soutenue dans l’espace canadien, si on pense seulement à notre participation à la Conférence Ministérielle de la Francophonie sur la prévention des conflits et la sécurité humaine, tenue à Saint-Boniface, Manitoba, aux rencontres sous l’auspice de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, ou bien des missions commerciales au Nouveau Brunswick, Montréal ou Toronto.

Il faut aussi apprécier l’engagement ferme et inébranlable du Canada envers la Francophonie, qui, au Sommet de Bucarest, sera représenté par l’Honorable Stephen Harper, le Premier Ministre du Canada, et aussi par les Premiers Ministres du Québec, Jean Charest et Nouveau-Brunswick, Bernard Lord, tous à la tête des fortes et nombreuses délégations fédérale et provinciales.

D’ailleurs, par une heureuse coïncidence, à la conclusion des travaux du Sommet, le Canada prendra le flambeau, afin d’organiser, en 2008, la douzième Réunion de Haut Niveau de la Francophonie.

On peut donc facilement constater que la Roumanie et le Canada ont forgé une amitié speciale qui débouche sur un nombre croissant d’étroites partenariats tant aux niveaux politique, économique, culturel et académique. Et tout laisse présager que ce n’est que le début!

Afin de marquer différents moments dans le calendrier de la Francophonie Internationale, l’Ambassade de la Roumanie à Ottawa en collaboration avec ses partenaires canadiennes a organisé des actions culturelles concrètes tout au long de 2006.

Le 20 mars on célèbre La Journée Internationale de la Francophonie. Cette année, pour réaffirmer leur appartenance à la culture francophone globale, en présence de Monsieur Traian Basescu, Président de la Roumanie, et de Monsieur Abdou Diouf, Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, des hauts représentants canadiens du gouvernement fédéral tandis que des gouvernements provinciaux (et c’est à noter la présence de Madame Monique Gagnon Tremblay, Ministre des Relations Internationales du Québec et Ministre responsable de la Francophonie, et du Monsieur Elvy Robichaud, représentant personel du M. Bernard Lord, le Premier Ministre du Nouveau-Brunswick), qui parmi d’autres invités des pays francophones, ont participé à Bucarest à l’ouverture des États généraux de la Francophonie. A son tour, l’Ambassadeur de la Roumanie au Canada a marqué La Journée Internationale de la Francophonie comme invitée d’honneur aux ceremonies organisées à Fredericton par le gouvernement du Nouveau Brunswick, couronnées avec la réception oficielle à la residence de lieutenent-gouverneur de cette province, le Très Honorable Hermenegilde Chiasson. Toute une suite de manifestations culturelles ont eu lieu à Ottawa, Montréal et Toronto. On a commencé, à Ottawa, par le concert du violoniste Ioan Harea, accompagné par la pianiste Eugenia Tsarov et par le Virtuosi String Quintet, à l’Auditorium de Musée Canadien des Civilisation. Un violoniste brillant et versatile, Ma\tre Harea, le Chef du The Harea String Quartet et The Virtuosi Orchestra, est originaire de Roumanie et réside à Ottawa. Ioan Harea a donné des nombreux récitals comme musiciene de chambre et soliste avec l’orchestre au Canada, les États-Unis, à l’Amérique de Sud et en Europe. A Montréal, avec l’appui de l’Ambassade roumaine, la Bibliothèque et Archives nationales du Québec a été hôte d’une conférence dédiée à l’année de la Francophonie en Roumanie, donnée par la remarquable écrivaine roumaine-québécoise Felicia Mihali. Avec la participation d’André Vanasse, directeur littéraire chez XYZ Editeur et directeur du magazine Lettres québécoises, et Stanley Péan, président de l’Union des Ecrivains Québécois, Felicia Mihali a présenté, aussi, son dernier roman, La reine et le soldat. Finalement, à Toronto, au Collège Glendon, l’Association of Canadian-Romanian University Professors in Ontario, présidée par le professeur roumain Eugen Roventa a organisé le séminaire La Roumanie et la francophonie - Interférences spirituelles, hier et aujourd’hui.

Pendant l’été, nous avons eu Les Jours de Bucarest à Montreal, un programme complet qui a représenté la Roumanie au Festival interculturel de Montréal - édition 2006, organisé par la Mairie de Montréal, les 8 au 20 juillet. Dans la "recette" roumaine au festival, proposée avec bien de mérite par la jeune association roumaine-canadienne ROCADE, coordonnée par Simona Hodos, on a eu du théâtre, de la musique, du danse, des arts multidisciplinaires et des arts visuels: Florian Costache et l’ensemble Hora, les chœurs des églises roumaines Sf. Nicolae et |naltarea Domnului, tandis que les célèbres artistes roumains Dan Puric et Teodora Enache.

Pour marquer le commencement du Sommet de Bucarest, on a organisé, le 19 septembre 2006, en présence de l’Honorable Josée Verner, Ministre fédérale de la Coopération Internationale et Ministre de la Francophonie et des Langues Officielles, une représentation du Le souffleur de la peur, une pièce de jeunesse de Matei Visniec, écrite en 1977. A l’Agora de la Mairie de Gatineau, que le Maire de Gatineau, Monsieur Marc Bureau a généreu sement offert pour cette représentation, l’actrice Ioana Craciunescu a incarné et raconté l’histoire  du Souffleur de la peur, en proposant une lecture-mise en espace gracieuse et simple de  ce monologue, une formule qui s’adapte très bien aux espaces non-conventionneles.

De même, la Communauté Roumaine au Québec, présidée par Monsieur Luigi Matei, a organisée, au Québec City, les 16 au 23 septembre 2006, le festival Les Journées de la culture roumaine à Québec. Cette troisième édition a eu dans le programme des présentations, des tables rondes, expositions et ateliers visuels, qui, cette année, ont été dédiés à la Francophonie et au Sommet de Bucarest.

Aussi, pendant la réception offerte à Bucarest, le 27 septembre, par Monsieur Bernard Lord, le Premier Ministre du Nouveau Brunswick, on lancera L’école sans frontières - J’aime le français, un livre rempli d’illustrations et de textes écrits en partage par des élèves de 2ème et 3ème années, roumains et de Nouveau Brunswick. Le projet, initié par les épouses du premier ministre Lord et du M. Mircea Roman, le consul général honorifique de Roumanie au Moncton, est le résultat d’un jumelage entre 3 écoles du Nouveau Brunswick avec une école primaire roumaine.

Pour finir, je voudrais exprimer, encore une fois, toute notre gratitude aux nos partenaires canadiens, aux grands artistes canadiens, roumains-canadiens ou roumains qui, tout au long de cette année ont eu la grâce de nous faire vivre la Francophonie par la joie de l’amitié, du dialogue, de la musique et de la culture. Leur noble travail nous montre, une fois de plus, comment s’enrichir de nos différences pour converger vers l’universel.

Une pensée spéciale pour les Roumains qui se sont établis au Canada: j’ai la ferme conviction que, pour eux, l’organisation du Sommet de la Francophonie à Bucarest vient de renouveler les ponts spirituels avec leur terre natale, toute comme une occasion de fierté pour leur appartenance à une culture qui a donné au monde francophone de noms célèbres, comme Constantin Brâncusi, Emil Cioran, George Enescu, Eugen Ionesco, et tant d’autres, intégrés avec le succès bien mérité dans la famille internationale de la Francophonie, enrichir ainsi le patrimoine des valeurs culturelles universelles!

 

 

SIMONA CORLAN

Réciproquement visibles à travers la Francophonie

 

Au cours du XIXème siècle, l’histoire de l’Afrique a radicalement changé ses rythmes. A partir de 1830 jusqu’en 1870, des aventuriers, des hommes de science, des commerçants, des missionnaires de la foi chrétienne et des officiers à la disposition de sociétés savantes, ou de gouvernements du monde, chargés de déchiffrer les mystères de ce continent, de conclure des accords commerciaux et politiques. Beaucoup d’entre eux étaient surs d’être les missionnaires de la "civilisation" et ils ont fait le tour du continent.

Ils ont renommé les cours d’eaux, ils ont fait des récits pour leurs parents en essayant de décrire le plus exactement possible les caractéristiques physiques des peuples rencontrés et les formes d’organisation politique, mais, en faisant ça ils accentuaient les faits qui leur semblaient d’être radicalement "différents".

A l’époque, toute l’Europe était pleine d’histoires qui mentionnaient les richesses de l’Afrique, les villes avec des architectures magnifiques, les vieilles universités et les importants centres commerciaux, lieux de repos pour les caravanes pleines d’or et les chefs locaux avec des pouvoirs incommensurables. Les puissances de l’Europe ont commencé, dans la deuxième moitie du XIXème siècle, une compétition sans précédent pour conquérir le continent pour la gloire de leur nation. La France, l’Angleterre et la Belgique ont été les grands gagnants de cette compétition. Jusqu’en 1900, une nouvelle situation politique a été créé et puis, après 1900, plusieurs "Afriques" ont été fondées en conformité avec les intérêts politiques des conquérants, sans tenir compte des anciennes frontières naturelles et/ou politiques. Beaucoup de choses ont été écrites sur cette période coloniale et, dans la majorité des cas, les points de vue différents ont menés à des controverses entre les spécialistes européens et africains. De nos jours, deux problèmes continuent de provoquer des débats dans les écoles historiographiques: la place de la colonisation dans l’histoire de l’Afrique et les effets de la domination étrangère sur le monde africain. Ces débats ont divisé le monde scientifique en deux groupes: un groupe qui considère que la colonisation a constitué une rupture brutale dans l’histoire du continent et l’autre groupe considère plutôt que la domination européenne n’a constitué qu’un épisode fermé dans un long processus historique. "Les optimistes" ont vu la colonisation comme une étape ayant comme conséquence l’ouverture de l’Afrique au monde en l’incluant dans une construction mondiale et moderne. "Les pessimistes" ont souligné les effets destructifs de la politique coloniale qui a éliminé les anciennes formes d’organisation et empêché la création de nouvelles. Après la décolonisation, touts ces faits ont générés, pour peu de temps, un vide institutionnel caché derrière la politique, décoré de symboles empruntés de l’Europe. On peut trouver beaucoup d’arguments pour les deux groupes, des arguments provenant du domaine politique, social, économique ou culturel et qui constituent encore un point d’intérêt des recherches scientifiques. Le nouveau ordre imposé a été créé sur la base d’une réalité politique, sociale et culturelle que les européens connaissaient très peu pour pouvoir l’inclure dans leurs projets et les conséquences sont devenues visibles quand la déclaration d’indépendance des anciennes colonies ont imposé un nouveau ordre sur le continent.

La deuxième moitie du XXème siècle a signifié pour l’Afrique un nouveau au début historique. La déclaration de l’indépendance des anciennes colonies, préparées, du point de vue idéologique, pendant beaucoup de temps grâce à la première génération d’intellectuels africains qui ont étudié en Europe et aux États-Unis (la majorité d’entre eux se sont impliqué dans la vie politique), a révélé trois niveaux d’articulation identitaire - du point de vue ethnique, national, continental - qui reflétaient une réalité ignorée pendant beaucoup de temps.

La recherche de solutions politiques pour la nouvelle réalité s’est faite en même temps que la nécessité de redéfinition identitaire et l’affirmation des valeurs africaines. Les États nationaux nés après la déclaration d’indépendance ont empruntés, dans plusieurs cas, des modèles européens. Ce fait est inexplicable du point de vue de la culture politique des élites et de leurs aspirations initiales de substituer l’État colonial avec l’État national. L’unité forcée des peuples et l’inévitable proéminence de certains ethnies sur les autres, les difficultés de légitimation du pouvoir ont généré la création des régimes personnels et des conflits sanglants. Dans ces cas, le "besoin" d’unanimité a condamné les projets qui se proposaient de "traduire" les différences ethniques et régionales dans des structures politiques. Les problèmes du continent africain après les déclarations d’indépendance ont été très complexes et leur explication constitue encore un sujet d’intérêt pour les scientifiques et pour les hommes politiques du monde entier. Après un siècle où l’histoire de l’Afrique s’est accélérée, les anciens repères politiques, administratifs, linguistiques et géographiques sont encore invoqués dans l’explication de l’histoire immédiate. Les spécialistes, de tous les domaines, font appel aux frontières marquées à la fin du XIXème siècle et on parle encore d’une Afrique du Nord et d’une Afrique du Sud, du Sahara, de l’Afrique occidentale, centrale etc. Il y avait des gens qui n’acceptaient pas ces délimitations en les considérant comme artificielles, mais il y avait aussi des idéologues des États nationaux, qui, après les déclarations d’indépendance, ont continué d’invoquer des repères de l’époque de la colonisation pour justifier des décisions politiques ou des alliances économiques. Pour ceux qui cherchent des éléments pour imposer tel ou tel ordre, le critère linguistique est le plus fréquent. Ainsi, l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone sont des réalités sur la carte du continent au-delà des intérêts économiques, des alliances politiques ou des préférences culturelles. Le critère linguistique a déterminé la sélection pour la présentation des relations de la Roumanie avec le monde africain. L’Afrique francophone (le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Mauritanie, le Mali, la Burkina Faso, le Niger, le Gabon, le Congo, la RD de Congo, la République Centrafricaine, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Benin, le Togo) constitue son sujet; un choix justifié aussi par l’appartenance de la Roumanie à la grande famille de la Francophonie. Les relations de la Roumanie avec les États nationaux créés sur les ruines de l’ancien empire colonial français dans l’Afrique ont été marquées par l’inauguration des ambassades dans la seconde moitié du XXème siècle, immédiatement après la déclaration de l’indépendance. Les relations politiques réciproques ont mené à la croissance des échanges économiques, techniques et culturels facilité par une série d’accords de collaboration. Les projets d’architecture industrielle, d’hébergement collectif, d’infrastructure et des édifices parfois d’envergure qui ont été conçus et construits par des spécialistes roumains, constituent des preuves de ces collaborations. Les pistes de l’aéroport de Léopold Sédar Senghor (Dakkar, R. Sénégal) constituent un tel exemple. L’enseignement universitaire roumain a ouvert ses portes pour les étudiants africains et, bien que leur nombre n’ait pas été très grand, leur impact sur la société roumaine a été sensible sur plusieurs niveaux, par exemple à l’apparition des familles mixtes. La chose la plus importante, peut-être, est le fait que les étudiants des universités roumaines, à leur retour dans les sociétés d’origine, ont occupé des positions clé, dans les secteurs économique et politique. Certains d’entre eux n’ont pas oublié les années passées en Roumanie, ils se sont réunis dans des associations pas seulement pour se rappeler de la Roumanie, mais aussi pour encourager et soutenir des collaborations futures. Une telle association existe dans la République de Sénégal et elle compte plus de 150 membres. Les nouvelles alliances politiques et économiques contemporaines ont rendu obsolètes les accords conclus dans les derniers décennies du XXème siècle. D’autres accords ont été élaborés et ils attendent la validation dans les structures de décision. Après 1990, beaucoup des ambassades roumaines en Afrique ont fermé leurs portes, les échanges économiques sont maintenant évidemment très faibles et les étudiants africains dans les universités roumaines sont moins nombreux. La Roumanie a été engagée dans d’autres projets politiques, pro-européens et pro-atlantiques et elle a négligé ce processus de capitalisation d’un potentiel déjà existent. La Roumanie a fait l’éloge de son ancien ami président-poète Léopold Sédar Senghor, à l’anniversaire de ses 90 ans, en 1996, à Bucarest, et l’année 2006 a été déclaré l’année Senghor. Ses œuvres ont été traduites en roumain en plusieurs éditions. Cette année aura lieu la 6ème édition du raid Bucarest-Dakar, "En babouches dans le désert", qui a comme objectif le lancement d’un projet de coopération dans le domaine de l’éducation et la fourniture de l’expertise franco-roumaine pour la création des centres d’information et documentation dans les écoles de Sénégal. Le Musée du Paysan Roumain est, pour la première fois à Bucarest, la hôte d’une exposition de peinture contemporaine sous verre, qui réunit des peintres du Sénégal et des artistes roumains. Les rythmes de la musique africaine ont été présents plusieurs fois dans les salles de concerts roumaines. Les initiatives sont encore individuelles et ponctuelles. Les chercheurs roumains ne sont pas présents dans les centres de recherche des grandes universités du monde pour travailler sur des sujets concernent l’Afrique. L’Agence Universitaire de la Francophonie a fait possible plusieurs fois des rencontres entre des spécialistes et les échanges interuniversitaires entre les ressortissants de plusieurs régions géographiques et grâce à son activité des contacts directs ont pu être mis en place. Le colloque Expériences et mémoire: partager en français la diversité du monde qui a eu lieu à l’Université de Bucarest, précédé par Une Journée sur l’Afrique Contemporaine constitue l’un des exemples les plus récents. L’Université de Cluj Napoca est la partenaire de l’Université de Tunis dans un projet organisé et financé dans le même contexte. Moi-même, je dois ma spécialisation dans l’histoire européenne, aux bourses de recherche financées par AUF. Les mêmes bourses d’étude et de recherche ont facilité les cours sur l’histoire récente des pays de l’Afrique francophone dans la Faculté d’Histoire et la Faculté de Sciences Politiques de l’Université de Bucarest, les livres publiés et les collaborations avec les collègues africains francophones dans des volumes collectifs publiés par les maisons d’édition des institutions fameuses de Roumanie. L’intérêt des étudiants qui ont fréquenté ces cours optionnels a été assez grand, si on juge selon leur nombre, et beaucoup d’entre eux ont pris en considération la variante de faire des spécialisations dans des universités d’Afrique. Jusqu’au moment où les spécialistes dans les problèmes de l’Afrique affirmeront leurs compétences, l’expansion du projet Licencié en Roumanie pour le continent africain a beaucoup des chances d’encourager la reprise nécessaire des relations bilatérales et multilatérales.

La création d’une Maison de l’Afrique est toujours au stade de projet et L’Association d’amitié Roumanie - Afrique n’a pas d’initiatives concrètes.

 

 

AUGUSTIN IOAN

Influences françaises dans l’architecture de Bucarest

 

L’influence du discours architectural dominant de l’époque - premièrement le néoclassicisme, puis le romantisme et l’éclectisme d’école française, est arrivée aussi dans les provinces roumaines du fin du XVIIIème siècle et, beaucoup plus fort, après la moitie du XIXème siècle. Premièrement, les Règlements Organiques, imposées dans notre pays par le conquéreur  russe - déjà classifié à la force comme Pierre  le Grand - sont ceux qui, comme projet de modernisation, proposeront les premiers éléments d’ "urbanisme" aux villages de Moldavie et de Valachie. Mais seulement l’exposition décisive à l’influence française de l’aristocratie des pays roumains, dans le XIXème siècle, influence subie d’une génération à l’autre, ferra de l’architecture, un élément "à la mode" à Bucarest. Les institutions et les édifices des Principautés unies et, plus tard, du royaume de Roumanie seront modifiées selon la mode de Paris: néoclassicisme, romantisme et éclectisme. C’est éloquent le fait qu’en ce qui concerne la royauté la Roumanie a choisi un prince allemand de la famille de Hohenzollern mais en ce qui concerne l’embellissement des villes elle a choisit le modèle parisien. Celles-ci ont été les décisions du nouvel état, mais la "francisation" des villes de Roumanie a eu un deuxième moteur - aussi efficace que l’Etat - le goût des familles aristocrates autochtones: même si la majorité d’entre elles étaient grecques, d’origine phanariote, elles ont décidé de construire leurs palais et image publique dans la manière française.

Comment ont-ils procédé? La méthode plus rapide a été de faire venir des architectes. Une liste rapide d’édifices et d’architectes français serait la suivante: Le Palais de la Banque Nationale, 1883-1885, architectes Cassien Bernard et Albert Galleron; le deuxième architecte a aussi élaboré le plan de construction de l’Athénée Roumain (1886-1888). A. Ballu a élaboré le plan de construction du récemment rouvert, après la restauration, Palais de Justice, aux décorations intérieures duquel a travaillé Ion Mincu. Paul Gottereau a élaboré le plan de construction de la Maison d’Economies et Consignations située sur la Boulevard de la Victoire, avec une splendide allure de cathédrale éclectiste, souligné aussi par la coupole centrale, transparente. Le même Gottereau a élaboré le plan de construction du bâtiment des Fondations Royales, vis-à-vis du Palais Royale, aujourd’hui l’un des corps de la Bibliothèque Centrale Universitaire. Aucun nom de premier rang n’a construit en Roumanie et, en conséquence, aucun édifice ne se constitue pas dans des chefs d’œuvres comparables aux exemplaires "originaux". Parfois, d’épigones ou d’excessifs, ont appliqué les canons du style français de restauration ou de construction à tout prix. Des églises et des couvents ont été détruites. Celles qui ont été reconstruites, ont reçu des corrections pour devenir plus fidèles au style que les originaux, conformément aux dogmes de Viollet Le Duc - dogmes interprétés d’une manière erroné par ses successeurs. Celles qui n’ont pas eu la chance d’être reconstruites ont été surmontées - par exemple, Sarindar - par des édifices éclectiques pas nécessairement supérieures aux originaux. C’est d’ici, de cette francisation de Bucarest, que les démolitions de l’époque terminale du régime communiste ont prit ses exemples, ses ressources et ses justifications ultérieures. Les années de ces travaux sont groupées vers la fin du XIXème siècle, fait qui nous suggère une frénésie de changer l’image de la capitale de Roumanie. Ce changement d’image à la fin duquel lui attendait un plutôt faux surnom - et ambigu du point de vue axiologique - "Le Petit Paris", les bucarestois l’ont assimilé en jetant, à l’aide des démolitions, son visage antérieur, médiéval.

Ses auberges avec des cours intérieures (par exemple, L’auberge de Manuc, s’est préservé jusqu’à nos jours) et les couvents construits selon le même principe introverti ont été remplacés par des édifices français. La conclusion c’est que, le Petit Paris a remplacé le Bucarest d’antan. L’un des raisons pour lequel c’est très difficile de récupérer les espaces souterrains, les caves voûtés de ce Bucarest perdu, c’est que, sans pitié, le Bucarest en style français a été construit au-dessus d’elles, selon une autre façade (trama stradala) et une autre conception urbaine et architecturale. Les palais éclectiques ont supprimés les caravanes-sérails. Les rues haussmanniennes ont effacées la trame stradalle désordonnée mais pittoresque et elles ont continué de le faire jusqu’en 1989, car le boulevard La Victoire du Socialisme et la Maison de la République, notre Versailles, comme l’actuel Palais du Parlement était surnommé par ceux qui l’ont conçu, sont d’origine française, des grands axes et des Grands Projets.

 

"Le Petit Paris"?

 

L’histoire des visages multiples sous lesquels la domination - ou l’obsession - du modèle français a continué, est plus longue. Les raisons de l’admiration excessive pour l’architecture française sont situées dans l’air dominant de l’aristocratie autochtone et dans l’air de la haute culture. Les architectes qui ont travaillé ici représentent seulement une partie des "coupables". La vérité c’est que l’école des beaux-arts a eu des étudiants roumains qui, rentrés en Roumanie, ont voulu être plus fidèles au style éclectique que leurs professeurs. Ion Mincu - le patriarche du style national après 1884 - a été, après l’achèvement de ses études de Paris, un tel "agent d’influence" française. I.D. Berindei, avec son Palais Cantacuzino, Alexandru Savulescu et son Palais des Postes - les deux situés sur le Boulevard de la Victoire - sont d’autres exemples auxquels on peut, pourquoi pas, ajuter la Maison de l’Armée et l’ancien Palais du Parlement (Dimitrie Maimarolu, à la fin du XIXème siècle), ou l’ancien siège de la Bourse (Stefan Burcus, 1910). A côté de l’action directe et à travers des intermédiaires du modèle architecturel des beaux-arts, on doit aussi mentionner sa présence en ce qui concerne le plan de formation dans l’école d’architecture locale. Seulement beaucoup plus tard, au début du XXème siècle, ça veut dire beaucoup après que le marché lui-même l’avait effacé de l’espace public (les premiers travaux néoroumains sont de 1880) et après l’imposition pour des raisons idéologiques de l’Ecole Nationale, le plan de formation français s’est dissolu. Mais l’émotion française est restée: le Palais Royale du début du XXème siècle (arh. N. Nenciulescu) exposait un pas tout à fait rigoureux de néoclassicisme, et l’Opéra Roumaine, en 1953, même si son projet était d’origine staliniste, exposait les mêmes éléments  d’éclectisme qui lui aurait permit d’être édifiée aussi 80 ans plus tôt.

Pour conclure, le Bucarest est français en ce qui concerne ses édifices et ses palais du XIXème et XXème siècles. Mais, la période d’entre les deux guerres mondiales, moderne a apportée des block-houses et d’usines Ford, avec une architecture "mauro-florentine" (architecture roumaine d’origine espagnole), comme elle était surnommée, en dérision antisémite, par les gens de l’époque). Peut-être que seulement le court épisode tardif-corbusien de 1970, surnommé "fonctionnalisme lyrique", qui nous a donné l’hôtel Intercontinental et le Théâtre National, aie encore du parfum français. Malheureusement l’époque des démolitions et des édifices de ce "Palais Versailles roumain" (Casa Poporului) est arrivée immédiatement après et on doit éviter à tout prix la ressemblance aux interventions haussmanniennes en craignant le ridicule de la comparaison. Ce projet, qui a participé au concours d’idées de UAR (1991) et qui proposait une "grande pyramide du Petit Paris" en couvrant en verre la Maison de la République, représente l’enterrement du modèle parisien en ce qui concerne le Bucarest.

Mais, certainement, les ensembles de logements qui ont étranglé les villes de Roumanie, ont été crées selon le modèle socialisant français. L’urbanisme et l’architecture fonctionnalistes constituent encore des fantômes à cause des professeurs roumains qui les transmettent aux étudiants d’aujourd’hui! Après avoir inventé le problème des habitations collectives communistes selon le modèle français, on cherche maintenant de nous inspirer toujours des modèles français de dialogue avec les HLM, même si, les problèmes socio-raciaux des banlieues parisiennnes devraient nous réveiller et de nous permettre de nous libérer de l’envoûtement de l’influence française.

En conclusion, il n’y a plus un "Petit paris" dont on peut parler sérieusement et malheureusement le concept n’a plus aucun avenir. Le modèle parisien a épuisé ses ressources d’inspiration et les ressources d’humour que sa comparaison avec la réalité de Dambovita nous a fournit trop facilement pendant des décennies. Oppressif et omniprésent, il disparaît en même temps que les prétentions- sans justification sociale aujourd’hui - de la "haute culture". Quelques architectes descendants de l’aristocratie ont restés fidèles à la nostalgie française. Par exemple, certaines voix se sont déclarées en faveur de la continuation du Boulevard de la Victoire du Socia lisme, pour continuer l’analogie avec Champs Elysées: une axe majeure, structurante avec des édifices amples. D’autres voix considèrent le XIXème siècle comme le modèle de développement urbain pour Bucarest. Mais aujourd’hui quand il parle de la Roumanie, pas très souvent, "l’Architecture d’aujourd’hui", le fait en mentionnant l’espèce de "l’originalité" et de la "vitalité" de "l’architecture gitane" - les "palais" construits avec de l’argent louche et sur les terrains des autres.

On doit, peut-être, trouver finalement un modèle alternatif exceptant le modèle français, dont l’agenda et l’héritage sont douteuses, si on n’est pas capables que de recevoir des ordres, sans être préoccupés par notre tradition ou par l’innovation dans la perspective de l’idiosyncrasie de la culture locale. Mais de quoi parle-t-on en vérité? Il paraît qu’entre temps des ersatz mal conçus de la Place de la Défense ont commencé à apparaître à Bucarest, insipides créations des architectes français obscures (voir le siège de BRD de la Place de la Victoire) ou des professionnels décidés à faire rien d’autre que le recyclage des déchets des idées d’autres.

 

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